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Développer et enrichir l’évaluation des politiques et des programmes publics

5 Août

Le Monde du 31.07.2012, par Jean-Claude Barbier, Maurice Baslé, Jocelyne Delarue, Nicolas Matyjasik, François Mouterde, Jean-Luc Outin, Bernard Perret, Jacques Toulemonde

Si la pratique et le débat à propos de l’évaluation des politiques publiques sont présents en France depuis les années 1980, la profession et l’activité d’évaluation n’en restent pas moins encore jeunes.

À la suite de la circulaire de 1989 relative au renouveau du service public, l’apport du Conseil scientifique de l’évaluation (CSE) fut décisif, qui posa les bases institutionnelles d’une acclimatation originale et résolue dans ce pays d’une pratique née aux États-Unis.

La profession et l’activité se renouvellent et se diversifient depuis, comme en témoigne l’appel de deux étudiants, V. Hirsch et Q. Lafay, publié par Le Monde.fr le 9 juillet dernier. Ils invitent à contribuer à « une charte commune de l’évaluation des politiques publiques ». Une telle charte existe pourtant, publiée en 2003 par la Société française de l’évaluation (SFE), qui, avec ses 600 membres, est la correspondante des sociétés nationales en Europe et de l’European Evaluation Society, à la fondation de laquelle plusieurs des signataires du présent document ont participé à La Haye en 1994.

Sous le titre « Charte de l’évaluation des politiques et des programmes publics », elle pose 7 principes généraux méthodologiques et déontologiques. Elle fait référence en France dans un nombre croissant de pratiques, pour les commanditaires, les évaluateurs et les parties prenantes de l’évaluation. L’appel des deux jeunes étudiants publié par Le Monde est une invitation bienvenue à en développer l’audience et en enrichir le contenu, que les signataires de la présente position relèvent avec intérêt.

La charte existante correspond au projet d’une meilleure conduite des politiques publiques, de leur efficacité, de leur pertinence, de leurs impacts, de leur cohérence et de leur efficience. En accord avec l’état de l’art international, son préambule place l’évaluation au confluent d’une triple exigence, du management public, de la démocratie et du débat scientifique. Comme les deux étudiants de l’appel du 9 juillet, les présents signataires, qui pratiquent l’évaluation des politiques publiques depuis la fin des années 1980, et qui participent aux activités de la SFE depuis sa fondation en 1999, sont convaincus que l’évaluation doit reposer sur une démarche pluridisciplinaire des sciences sociales, combinant analyse qualitative et quantitative. Ils sont en outre certains que, comme l’indique le premier principe de la charte de l’évaluation des politiques et des programmes publics, l’évaluation doit, pour des raisons à la fois cognitives et politiques, prendre en compte de façon raisonnée les différents intérêts en présence et recueillir la diversité des points de vue  pertinents sur l’action évaluée, qu’ils émanent d’acteurs, d’experts, ou de toute autre personne concernée. Depuis sa création, la SFE, comme l’indique l’article 2 de ses statuts, travaille à l’amélioration constante des méthodes de l’évaluation.

En 2011, elle a publié le n°6 de ses Cahiers de la SFE, qui porte sur »L’évaluation des impacts « , et discute de la variété des méthodes disponibles pour évaluer ces derniers. Il analyse aussi avec précision, notamment en prenant l’exemple du revenu de solidarité active en France (RSA) les conditions dans lesquelles certaines méthodes sont mieux adaptées pour évaluer tel ou tel type de politique. Ces réflexions sont en débat dans la communauté professionnelle et dans la communauté universitaire, qu’il est nécessaire de faire mieux travailler ensemble. Dans ce but, les signataires du présent texte ont, depuis le début des années 2000, organisé des séminaires professionnels à la SFE, en collaboration avec de nombreuses administrations, dont le Conseil d’analyse stratégique, l’IGPDE (ministères économique et financier), et des séminaires universitaires, à l’Université de Rennes 1 et l’Université Paris 1, auxquels ont participé des chercheurs et des enseignants de l’École d’Économie de Paris, du Centre d’économie de la Sorbonne, du Laboratoire LIEPP de Sciences Po Paris et de Sciences Po Lyon et Grenoble. Afin de faire reconnaître l’apport de l’évaluation des politiques publiques, ils appuient l’idée d’un « Grenelle de l’évaluation », réunissant tous les acteurs concernés.

Jean-Claude Barbier, directeur de recherche émérite CNRS, Centre d’économie de la Sorbonne, Université Paris 1 ; Maurice Baslé, professeur des Universités, CREM-CNRS-Université de Rennes 1, associé au LIEPP ; Jocelyne Delarue, docteur de l’Agroparistech, ancienne chargée de l’évaluation à l’AFD ; Nicolas Matyjasik, docteur en science politique, vice-président de la SFE ; François Mouterde, président de la SFE ; Jean-Luc Outin, chercheur CNRS, Centre d’économie de la Sorbonne, Université Paris 1 ; Bernard Perret, membre d’un corps d’inspection, ancien secrétaire du CSE ; Jacques Toulemonde, Sciences Po Lyon, responsable du groupe »Standards de qualité et déontologie » de la SFE.